L’homme aspire-t-il seulement à être reconnu et non à être ? Nous ne nous contentons pas d’être, nous voulons plus : la reconnaissance que cet être a de la valeur. Nous nous battons sans cesse pour cette reconnaissance. Reste à savoir ce qui apparaît de ces moments où nous ne cherchons plus rien – ni le sens de notre existence, ni le regard des autres. Où nous sommes enfin capables d’être au présent de nos vies. Platonov, pièce inachevée, immense, brute, débarrassée du savoir faire de l’auteur confirmé que Tchekhov deviendra, gigantesque brouillon dont les aspérités sont au plus proche de la vie-même pose la question de l’Héritage et de l’absence de Père. Sur quels mensonges vivons nous ? Platonov s’élève ici comme un esprit critique. Les esprits critiques parviennent rarement à faire éclater les mensonges collectifs. Meilleur exemple de l’incertitude de notre époque, Platonov est un homme qui travaille, relié au monde social, qui existe fortement par le regard des autres et de qui on attend beaucoup plus que ses capacités. Ce qui le mène à brûler volontairement et en pleine conscience une partie de son énergie vitale, sans rien attendre en échange, en pure perte. Pris dans un chaos qu’il ne peut prétendre ordonner, il court après la mort comme la pièce vers sa fin. La pièce visionnaire de Tchekhov sur fond de fracture sociale résonne. Nous qui vivons avec cette certitude que « ça ne va pas pouvoir continuer comme ça » dans un monde où l’individu ne semble avoir de valeur que face au marché.