The Jewish Hour

Quand j’ai commencé́ à écrire cette pièce, j’habitais dans le 11e arrondissement de Paris, à deux rues de l’ancien appart de Mireille Knoll, et près la grande synagogue de la Roquette. Je passais devant cette synagogue tous les jours, c’était sur mon chemin vers le métro, ma salle de sport ou le supermarché́. Je n’y rentrais pas. Jamais. Je regardais ces hautes portes métalliques comme celles d’une prison, gardées par des soldats, et les lettres rouges d’un graffiti mal effacé où était inscrit ARGENT. Encore une fois, je n’y rentrais pas. Toute ma vie j’ai essayé de ne pas être juif, alors pourquoi maintenant ? Pourquoi ici ? J’ai grandi avec des parents religieux et tout ce que je voulais c’était aller contre, être libre, indépendant, « laïque ». Mais après sept années en France, j’ai envie de séduire mon passé, revenir à cette tradition, cette religion, ce peuple, mon enfance, mon pays. Celui d’aujourd’hui. Cette synagogue, peuplée de fantômes et d’histoires, nous lie, eux et moi. Et malgré tout, à la sortie de cette synagogue, les Juifs que j’observe sont différents, un peu exotiques. Ces Juifs français sont le thème de ma nouvelle pièce. A travers leurs visages, leur humour, leurs peurs, j’ai envie de faire apparaître mes inquiétudes envers cette communauté et de me demander pourquoi ici, en France, je me sens plus juif que jamais ? Pourquoi ici, je suis un représentant de cette religion, de ce pays ?

A l’heure où j’écris, les dernières élections en Israël et les évènements récents dans mon pays (Gaza pleure toujours ses morts) n’ont fait qu’intensifier l’atmosphère de désespoir politique face à un nouveau pouvoir qui ne promet rien que davantage d’instabilité́, de violence et d’intolérance envers les minorités et les artistes.
Je ne suis pas là-bas. Mais l’espace est toujours vivant dans mon corps.

Ma présence en Europe, et en quelque sorte mon exil, provoque en moi un mouvement auquel je ne m’attendais pas dans mon rapport à la judéité. J’ai une appartenance qui me dépasse à un peuple qui m’échappe. Ce peuple tellement différent entre Israël et ici, entre ce qui est montré à la télé et ce que j’en connais, m’interroge. Ma judéité et ma relation avec les juifs éclatent ici. C’est en France que j’ai découvert que j’étais juif.

The Jewish Hour est une prospection sur l’état actuel d’Israël, et cherche à témoigner des liens directs entre judaïsme, sionisme et le conflit qui persiste entre les deux peuples vivant dans une même entité territoriale.
The Jewish Hour est la seconde partie de la Quadrilogie de ma Terre, un cycle d’écriture ayant pour toile de fond le conflit israélo-palestinien. TBM Tunnel Boring Machine était le premier volet de cette quadrilogie, Ahouvi le troisième (création février 2023) et Au Nom du Ciel le quatrième et dernier volet (création 2025). TBM traitait l’aspect politique du conflit, The Jewish Hour interroge le lien avec la judéité́, Ahouvi parlera d’amour et Au Nom du Ciel abordera le conflit sous l’angle économique.

Yuval Rozman