faraway 2026 - focus Argentine

Théâtre, danse, musique, cirque, arts visuels, toutes les disciplines sont célébrées dans une même programmation. L’occasion de mettre en lumière une scène artistique foisonnante dans un pays secoué par les traumatismes de la dictature militaire et l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en 2023.

Scènes argentines
Traversé de questionnements sociaux, politiques, intimes et esthétiques, le théâtre argentin se distingue tant dans son écriture que dans sa mise en scène. C’est le cas de l’autrice et metteuse en scène Romina Paula, qui est à l’affiche avec deux pièces : Sombras por supuesto, un polar décalé inspiré de l’univers de Fassbinder et de récentes violences policières en Argentine, présenté pour la première fois en France et la reprise de son adaptation remarquée de La Ménagerie de verre de Tennessee Williams, transposée dans l’Argentine contemporaine. De son côté, Guillermo Cacace revisite dans une version singulière une autre pièce du répertoire sous un prisme argentin : La Mouette de Tchekhov. Parmi les autres premières en France, on découvrira Los Gestos, dernière création du metteur en scène Pablo Messiez qui explore les relations humaines et interpersonnelles dans un spectacle visuellement stimulant. L’exil, le lien filial, la dictature sont au cœur du récit autobiographique de Le Bleu des abeilles de Laura Alcoba, adapté par la compagnie de théâtre d’objet et de papier du Shabano, qui met en scène une petite fille réfugiée en France et sa correspondance avec son père, prisonnier politique en Argentine. D’une scène à l’autre, les artistes invités nous parlent chacun à leur manière de l’Argentine, celle d’hier, d’aujourd’hui, et pour certains tendent les fils entre les deux. Dans un geste à la fois artistique et engagé, le cirque documentaire d’Anahí de las Cuevas retrace l’épopée tumultueuse du corps d’Eva Perón dans Seré millones tout en questionnant la place des femmes dans la société argentine, tandis que Juan Ignacio Tula, virtuose de la roue Cyr, livre une parabole de l’enfermement dans une autofiction circassienne inspirée de son adolescence à Buenos Aires (Sortir par la porte, une tentative d’évasion).

Identité multiculturelle et culture populaire
Entre avant-garde et enjeux politiques, le festival met l’accent sur la culture populaire, reflet des nombreuses influences qui font partie de l’identité argentine. Dans Último helecho, le binôme Nina Laisné et François Chaignaud, rejoint par la chanteuse argentine Nadia Larcher, réaffirme le métissage à l’origine des traditions argentines dans une épopée chorégraphique et musicale. Un répertoire populaire que défend aussi avec passion le célèbre chef d’orchestre Leonardo García- Alarcón à travers les plus belles chansons de son pays natal interprétées par la soprano argentine Mariana Flores (Alfonsina) et le programme Mediterráneo, qui met en miroir les œuvres de Joan Manuel Serrat, symbole de lutte contre la dictature, avec de grandes pièces baroques. Dans le registre de la musique contemporaine, quatre musiciens et un vidéaste composent un portrait de l’icône du football, Diego Maradona, entre musique expérimentale et images d’archives (La mano de Dios) etle compositeur Mario Lorenzo propose une installation sonore, construite à partir de calebasses. Le tango s’invite dès la soirée d’ouverture avec un Grand échauffement collectif en compagnie du chorégraphe Rémi Esterle, un dance-floor festif avec Caminito De Tango tandis que le collectif JetLag, entouré de DJ et performeurs invités, fera vibrer les rythmes du Reggaeton pour la soirée de clôture.

Rencontres politiques et artistiques
L’art contemporain n’est pas en reste. À l’invitation du FRAC Champagne-Ardenne, la commissaire d’exposition Mabel Tapia dévoile une programmation pointue où cinq artistes affirment leur identité dans une série de performances qui soulèvent différentes problématiques: de l’héritage colonial ausculté par Estefania Santiago à la dislocation du lien social liée à la fermeture des plages du Rio de la Plata dans Rivages perdus de Carolina Andreetti. Espace d’expérimentation, propice à la circulation des idées et des publics, faraway ce sont aussi des lectures, des débats et des rencontres résolument politiques inscrites dans l’actualité argentine avec Flora Genoux, correspondante du Monde à Buenos Aires (Que devient l’Argentine sous la tronçonneuse de Javier Milei ?) et l’écrivaine Selva Almada, particulièrement engagée contre les violences faites aux femmes mais aussi un nouveau volet de Radio live_Réuni·es, qui donne la parole à de jeunes activistes, confrontés à la guerre, en quête d’une possible réconciliation. Dans cet esprit de dialogue, le festival inaugure également pour la première fois Les Midis faraway, des rencontres thématiques qui permettront au public d’échanger avec les artistes, à l’heure du déjeuner. Avec 30 spectacles et 150 artistes invités, faraway 2026 poursuit ainsi sa mission d’ouverture sur le monde et réaffirme sa vision d’une scène engagée et actuelle.

Anne de la Giraudière