Au-delà de toute mesure

Tous les trois trouvent au milieu des représentations du pire et du
meilleur un refuge palpitant pour expier leurs passions les plus noires, réveiller leurs pulsions endormies ou nourrir leurs imaginaires affamés. Hors du temps, le cycle des répétitions historiques, tragiques et intimes, cesse. C’est grâce à ce suspens que ces errants, borders, voyous, faiseurs d’histoires, solitaires, campés à la périphérie d’un monde, sur une île vouée à disparaître, vont réenclencher un mouvement salvateur. Entre la machine à sandwich et les tableaux de la Renaissance italienne (Caravage, Lotto, Bellini, Parmigiano), entre les murs du musée et ceux de la sallede repos, Giovanni, Violaine et Marie, trois solitudes, trouvent un refuge dans un musée, sur une île italienne. Ils partagent du temps et des regards. L’espace leur permet de s’accorder un instant. Le peintre Nicolas Poussin, au sujet du Caravage, a dit qu’il est venu pour « détruire la peinture » puisqu’il a été l’initiateur d’un tournant de style dans l’histoire de l’art, notamment par le choix de ses sujets picturaux. De véritables individus de chair et de sang, rencontrés dans les rues, surtout pendant la nuit, ont donnés à ses toiles une incarnation réaliste, saisissante, troublante et nouvelle. Dans Au-delà de toute mesure, il est question de mouvement.
Au coeur du musée, dans ce sas entre le passé et l’avenir, à travers les regards des protagonistes, les sujets peints se feront miroirs de ceux qui les voient, l’image de l’autre agira sur les personnages comme un éclairage qui par sa fulgurance mise à nue ou son évidence, peut conduire, à l’aveu, à la rencontre, ou à une métamorphose de l’autre aussi puissante que celle qui transforma un homme (Narcisse) en fleur jaune. Tout cela, avec vigueur, de celle de ce « dieu qui vomit les tièdes » et au coeur du mouvement d’un monde guetté par sa propre disparition.